Début juillet, début des soldes. Logique, n’est-ce pas ? Toujours était-il qu’Ilyanna et les filles ne pouvaient pas venir faire du shopping avec moi aujourd’hui, mais un sentiment étrange me poussait absolument vers les magasins. En soit, mon armoire était pleine à craquer, mais elle était aussi totalement vide de vêtements adaptés au festival qui se préparait au sein de Montréal. Une séance shopping était donc de mise, et j’avais déjà épluché les magazines et les blogs de mode pour me faire une idée assez précise du style de vêtement que je recherchais. Confortable sans être négligé, beau sans être ostentatoire… J’allais pouvoir trouver mon bonheur après quelques heures de fouillage frénétique dans les bacs de vêtements en soldes. Et puis j’avais reçu une carte de crédit de la part de mon paternel… Autant la faire chauffer un peu, dans les limites du raisonnable. Mais en l’absence de mes fabuleuses amies, Raphael n’aimant pas vraiment faire du shopping avec moi –je ne l’avais jamais compris, sur ce point-, j’avais besoin de quelqu’un pour m’accompagner. Le proverbe a beau dire qu’on est mieux seul que mal accompagné, je ne lui donnais pas totalement raison. Après tout, on a légèrement l’air pathétique aux yeux des gens que nous croisons, que ce soient des personnes connues ou de parfaits inconnus. Et avoir l’air pathétique et esseulé ? Non, ce n’est pas vraiment le genre de Delphine Gariépy. Aussi avais-je téléphoné quelques instants avec Bogdan, pour lui demander de venir faire du shopping avec moi. Dans le genre, il n’était pas moche, et sa présence pouvait être assez agréable selon le moment, malgré son côté plat et trop gentil. Toujours est-il que, sans surprise, il avait accepté ma requête – mais avait-il vraiment un choix ? – et nous nous étions donné rendez-vous au centre Eaton, une des meilleures adresses de Montréal pour faire les magasins ! J’avais déjà en tête les magasins que je souhaitais aller voir, il ne restait plus qu’à retrouver le Russe. Mes talons martelant le sol brillant du centre commercial, je jetais un coup d’œil afin de voir si je remarquais la blonde tête qui m’était relativement familière. Ne la voyant pas tout de suite, je m’avançais un peu avant de voir le jeune homme flâner seul au milieu de la foule, un air un peu rêveur sur le visage, comme à son habitude. Egal à lui-même, je me doutais même qu’il ait été un petit peu en avance, et c’était très bien ainsi. Un air décidé et un fin sourire sur le visage, je m’avançais vers celui que je me refusais de qualifier mon « ami » et lui sourit, m’avançant pour lui faire une délicate bise. « Alors Bogdan, comment vas-tu ? » Je lui souriais d’un sourire étonnement tendre pour moi, ce qui était rare. J’étais dans un bon jour, il fallait croire ! Enfin, entre le programme, le soleil, et les soldes, on pouvait aussi se demander pourquoi ceci n’aurait pas été une journée positive. Certes, je ne trainais pas avec une personne que l’on pouvait qualifier comme étant digne de moi, mais bon, Bogdan pouvait m’être utile… A porter mes sacs de courses par exemple ! Et puis honnêtement, qu’elle est la probabilité que nous rencontrions quelqu’un que je connaissais et qui ne devrait pas voir que je trainais avec le Russe ? Elle était minuscule, presque nulle. Montréal est une grande ville, et beaucoup de mes amis sont en vacances. Alors qu’ils aient décidé, de plus, de venir faire du shopping… Non, je n’allais surement pas croiser quelqu’un ici, je ne craignais rien !

Je jouais tranquillement avec Reksio dans le jardin de la demeure Dormiov, Darwin se cachant dans ma capuche, à son habitude, lorsque je reçus un appel de Delphine. J'étais habitué à ce qu'elle m'appelle souvent, après tout, nous étions amis, n'est-ce pas ? Comme à chaque fois que je recevais un appel, je restais quelques secondes à regarder mon téléphone avant de répondre. Je n'ai jamais vraiment su quelle raison exacte m'avait poussé à acquérir ce portable, il paraîtrait que les ondes émises par les antennes relais étaient nocives pour l'environnement. Et comme chacun vous le dirait, j'étais plutôt du genre à embrasser les arbres et veiller sur les animaux aux alentours plutôt que de sauter sur les nouveautés high-tech. Enfin, je me décidai à émettre un « allo » à l'accentuation bien russe, un peu rêveur. J'avoue que mon français et mon anglais n'étaient pas vraiment des plus spontanés, étant donné que j'avais une très mauvaise oreille en ce qui concernait les langues, mais mes efforts et mon travail m'avaient tout de même permis d'arriver à un bon niveau. D'ailleurs, je ne serais pas à McGill le cas contraire ! Mon amie me proposait un rendez-vous au centre commercial, elle désirait avoir quelqu'un pour l'accompagner dans son shopping. Je fus plutôt touché qu'elle m'ait choisi, moi, et non l'une de ses plus grandes copines. Après tout, ma sœur était l'une de ses meilleures amies, elle aurait tout autant pu lui demander à elle. Je ne me doutais absolument pas que son choix était tout bonnement dû au fait que personne d'autre ne pouvait l'y accompagner et encore moins la servir comme je pourrais le faire. Naïvement, j'acceptais avec grand plaisir sa requête. Même si je détestais les centres commerciaux. C'était bourré de monde et les chiens n'étaient pas admis. Encore moins les rats. Haussant simplement les épaules, je retournais dans la maison, donnant de quoi boire aux animaux et, sans me changer, décidai de me rendre au lieu-dit. Je n'étais pas du genre à m'en faire pour mon apparence, bien au contraire. Vêtu d'un simple jean délavé et d'un T-shirt esquinté par le temps, j' empruntai son vélo. J'avais bien quelques kilomètres à faire, même énormément, mais je ne prenais jamais autre chose que mon vélo ou mes pieds pour me rendre là où je le désirais. C'était ma règle d'or. Règle dont mes sœurs se moquaient parfois, mais je tâchais de passer outre leurs remontrances et leurs moqueries. Ce fut pourquoi je partis bien en avance, afin d'être certain d'arriver à l'heure et de ne pas décevoir les espoirs que Delphine avait mis en moi. Je me retrouvais donc très rapidement dans les couloirs du centre, à circuler de manière flegmatique entre les diverses personnes ahuri par le choix d'articles proposés. Je le redoutais et c'était arrivé : la foule était compacte. Regardant alentours, je cherchais des yeux celle avec qui j'avais rendez-vous. Je ne la vis pas, mais elle me remarqua. Je sentis la délicate bise qu'elle déposa contre ma joue avant d'entendre sa voix mélodieuse retentir. J'aimais sa voix, je l'aimais d'ailleurs presque autant que celle de Katia... Elle était suave, délicate. J'aimais aussi beaucoup son parfum, je ne savais pas du tout comment le caractériser, mais cette odeur lui allait très bien.
« Je vais bien, merci. » finis-je par dire, timidement. Je lui parlais toujours timidement. Mais il semblerait que je parlais ainsi à tout le monde. D'ailleurs, certaines personnes me prenaient pour stupide de ce fait. « Et toi ? » demandai-je délicatement, l'embrassant doucement sur la joue en retour. C'était la première fois que je me le permettais, normalement, je n'osais pas la toucher... Mais son sourire fort sympathique avait dû m'y pousser.
« Tu cherches quelque chose de particulier ? » dis-je en avançant légèrement, tentant de sortir de la foule. Les flux de monde me donnait le tournis !

Toujours relativement souriante, observant Bogdan. Si il était arrivé rapidement au centre commercial, il n'avait pas fait de grands efforts avec sa tenue... Vêtu d'un jean élimé et d'un simple t-shirt, on pouvait en effet faire bien mieux. Un air timidement rêveur sur le visage, il répondit à ma question en me répondant par la pareille, alors qu'il répondit à ma bise. Je devais avouer que cela m'avais surprise, habituellement, il ne se permettait pas de tels démonstrations et restait très réservé. Je ne relevais pasm mais je me promis de l'avoir à l'oeuil. Au final, nous n'étions pas amis, il ne fallait pas qu'il se fasse de mauvaises idées ! « Je vais bien aussi. Merci.» Je me balançais sur mes deux jambes, réfléchissant à l'endroit par lequel j'allais bien pouvoir commencer mon magasinage. Il y avait bien cette nouvelle boutique qui avait ouvert il y a quelques semaines... On y trouvait pas mal de choses, beaucoup de t-shirt sympa et d'accessoires originaux... « Tu cherches quelque chose de particulier ? » Je levais la tête vers Bogdan, sa question me forçant à mettre fin à ma songerie. « J'aimerais bien trouver quelques t-shirts pour le festival... et je veux voir les accessoires... Pourquoi pas un nouveau collier ? » Le Russe commençant à avancer, je le suivis avant de le dépasser de quelques centimètres, Bogdan me suivait désormais. Pourquoi le voulais-je légèrement derrière moi ? Je ne le savais pas exactement. Cela me semblait naturel, instinctif et normal même. Toujours était-il que nous nous dirigions vers cette nouvelle boutique, dans laquelle je n'étais rentrée qu'une fois ou deux. Trois à la limite. Plus que quatre fois, cela m'aurait beaucoup étonnée. Enfin, je ne connaissais pas encore parfaitement cette boutique, aujourd'hui serait une bonne occasion de mieux la découvrir. « Vient. On va à ce magasin... Pretty Reckless, je crois... » Je fronçais légèrement les sourcils, toujours en train de marcher, afin de tenter de me souvenir du réel nom de ce magasin... Pretty Reckless ? C'était quelque chose avec un 'less' en tout cas, j'en étais presque sûre. Après quelque minutes de marche sur le sol crissant du centre commercial, on arrivait enfin dans le recoin où se trouvait l'endroit tant recherché. Little Reckless Bon, je n'étais pas si loin que ça du vrai nom. J'aurais pu faire pire... Je passais les portes en verre, Bogdan sur mes talons, sans faire attention à lui à présent. Je m'approchais des étagères sur lesquelles étaient disposés un grand nombre de bijoux, que j'observais, avant de sélectionner un bracelet et deux colliers. Un pendentif -en argent ?- et l'autre collier, doré, composé d'un assemblages d'anneaux de différentes tailles. Soudain, quelque chose attira mon regard. « Bogdan...? Tu peux me tenir ça deux minutes ? » Je lui posais dans les mains les colliers et le bracelet, en lui jetant à peine un regard, mes yeux fixant cette paire de lunette de soleil. De grands verres arrondis, une monture épaisse en acajou... et le sigle Prada sur les branches. Je n'avais probablement pas assez d'argent disponibles pour me les offrir, mais je me devais de les essayer. C'était comme un ordre divin, je ne pouvais pas passer au travers. D'un coup de main rapide, je remettais ma chevelure blonde en place, lui insufflant un peu plus de volume, et pris la précieuse paire de lunette entre mes doigts manicurés. Je les faisais tourner dans mes mains, avant de les enfiler. Un coup d'oeil rapide dans la glace, et je me tournais vers Bogdan. « Alors, je suis belle avec ces lunettes ? » Un sourire pseudo-angélique sur le visages, je faisais face à mon compagnon shopping, n'attendant qu'une seule réponse.

J'observai Delphine passer devant moi, sans un regard. Je me demandais pourquoi je lui avais demandé ce qu'elle cherchait car je connaissais très mal ce centre commercial et je ne lui serais donc d'aucune aide dans ses recherches, quelles qu'elles soient. Comme d'habitude, je me retrouvais à la suivre, simplement, sans réfléchir. Après tout, que pouvais-je faire d'autre ? Je me demandais ce qui avait bien pu changer chez elle depuis la dernière fois que nous nous étions vus. Peut-être avait-elle légèrement éclairci ses cheveux ? Je n'osais pas le lui demander car j'avais peur qu'elle le prenne mal. Delphine avait toujours eu l'air fière de sa chevelure et cela m'aurait étonné qu'elle l'ait ajusté de quelques façons que ce soit qui ne soit pas naturelle. Je hochai simplement de la tête et lui souriait lorsqu'elle m'annonçait le nom d'un magasin.
« Je ne peux pas t'aider, je n'y connais rien...Enfin, tu sais, je laisse plutôt mes sœurs vaquer à leur shopping, même quand je les accompagne. » dis-je bonnement, toujours avec cet air rêveur qui me caractérisait. J'avais cru bon d'ouvrir la bouche, bien que je n'avais rien d'intéressant à venir. Peut-être pour cesser de passer pour cet être si peu loquace dont on me donnait la définition ? Je voulais faire bonne figure devant elle. Après tout, personne ne m'inviter aussi souvent que Delphine à se promener. Et cela me faisait, d'une certaine manière, plaisir de voir du monde. Je n'étais peut-être pas si solitaire qu'on se plaisait à dire.
Je me contentais de suivre mon « amie » alors que celle-ci ne faisait décidément plus du tout attention à ma présence. Elle regardait les différents accessoires présents dans la boutique où nous nous trouvions. Moi, j'observais les gens bouger dans tous les sens comme des mouches à la recherche de bagues, pendentifs et autres babioles. C'était affolant comment le monde entier pouvait porter attention à de telles futilités ! Ici, les gens étaient tous habillés au rythme de la mode, du moins, j'en avais l'impression, car je n'avais aucune idée de la mode actuelle.
Soudain, je fus sorti de ma torpeur par la belle voix de Delphine. Je me retournai, reposant mon attention sur elle, lui offrant un magnifique sourire, bien qu'intimidé. Elle venait de mettre des lunettes de Soleil et me demandait ce que j'en pensais. Souriant toujours, je ne pris pas vraiment le temps de réfléchir, déclarant aussitôt de manière spontanée :
« Tu es magnifique ! En même temps, tu es très jolie, quoi que tu puisses enfiler. » Ce n'était pas une flatterie, ni un compliment visant à la draguer ou quoi que ce soit d'autre, c'était juste ce que je pensais.

Je fis un tour rapide sur moi même, faisant virevolter quelques mèches blonde autour de mon visage. J'aimais le sentiment de ces lunettes sur le bout de mon nez, couvrant mes yeux de ce verre teinté, telle une protection, non seulement solaire mais également morale. On dit bien que les yeux sont les miroirs de l'âme, alors des lunettes de soleil noires seraient donc un écran protecteur, empêchant qui que ce soit de regarder à travers notre esprit. C'était d'ailleurs l'une des raisons pour laquelle j'étais une si grande adepte de ces fameux accessoires, et que je possédais un nombre assez impressionnant de ces petits bijoux. Je regardais Bogdan, qui avait l'air rêveur, mais un grand sourire traversait son visage. « Tu es magnifique ! En même temps, tu es très jolie, quoi que tu puisses enfiler. » Je souriais, même si je trouvais le compliment de Bogdan un peu exagéré. Je n'étais pas tout le temps magnifique, il ne m'avait surement jamais vu en jogging ! Enfin, c'était normal, je ne me montrais jamais en public mal habillée... Oui, c'est vrai, j'étais presque tout le temps magnifique. Et puis Bogdan faisait partis des gentils de ce monde, un compliment de sa part avait moins de valeur que celui d'autres personnes, plus avares en mots positifs. C'était cependant toujours agréable à entendre, de la part d'un homme qui plus est ! « Merci Bogdan... C'est vrai que les lunettes sont belles, elles m'améliorent encore plus. » J'ôtais toutefois les lunettes, faisant réapparaitre mes yeux bleus, et je les faisais tourner, les admirant une dernière fois dans l'ignorance de leur valeur financière. J'avais beau m'en douter - c'était des Pradas après tout- je ne le connaissais pas exactement et je caressais encore l'espoir de pouvoir me les offrir. Je pris une inspiration et ouvrais l'étiquette qui allait me dégouter pour l'après-midi. 245 dollars. Dans l'absolu, 250 dollars, je pouvais me les permettre, mais j'avais d'autres achats prévu, et, mis bout à bout, ces lunettes étaient hors de prix, et mon paternel n'allait pas accepter cet achat. Je les reposais sur le présentoir, un air légèrement triste sur le visage. Je tournais la tête vers le russe. « C'est juste dommage que je ne puisse pas me les offrir. Elles sont un peu trop chères pour moi, malheureusement..! » Je repris les deux colliers et le bracelet des mains de Bogdan, et décidais de ne pas continuer dans cette boutique. J'en avais assez vu, ils avaient de superbes choses, je ne voulais pas me décevoir encore plus à cause du prix ! « Bon, je vais prendre ceux là je crois ! C'est plus à la portée de mon porte monnaie ! »

Delphine continuait à s'admirer et cela me fit légèrement rire. Elle avait l'air tellement sûre d'elle...Et elle n'avait pas tord, elle était d'une beauté incroyable. Je n'étais pas de ceux qui classais les filles dans une liste contenant les plus belles, mais si cela avait été le cas, je l'y lui aurais laissé une petite place. C'était certain. Je la regrdai se mouvoir encore un peu et finalement se décider à voir le prix de ces fameuses lunettes de soleil. Elle les avait tant manipulé que l'on aurait pu croire qu'elles étaient déjà siennes. Cependant, étonnement, elle finit par lâcher un soupir d'insatisfaction. Je n'eus pas à attendre longtemps pour apprendre ce qui la chagrinait... Delphine venait de voir le prix de l'objet tant convoité et cela ne semblait pas dans ses moyens. Alors qu'elle venait de reprendre ses bijoux, je lui souris simplement. Elle me dépassa, se hâtant vers les caisses, afin, sans doute, d'éviter de se faire doubler dans la queue. J'en profitai pour aller jeter un œil sur les lunettes qu'elle avait déposées dans le rayon adéquat. 245 dollars. C'était cher. Mais j'avais bien plus que cela sur mon compte. Nos parents nous donnaient à tous la même somme mensuelle... Mes sœurs la dépensaient bien plus rapidement que moi. J'avais donc bien assez sur mon compte pour offrir ce petit plaisir à mon amie. Je me saisis donc des lunettes de Soleil Prada, en évitant de les abîmer et m'approchai de Delphine, que j'avais légèrement perdu de vue. La retrouver ne me fut pas difficile pour autant.
« Je peux te les acheter si tu veux, j'ai suffisamment sur mon compte. Et mon père ne dira rien puisque je ne dépense jamais rien dans les boutiques... »fis-je doucement à son attention. Je lui souris gentiment. « ça te dirait ? » demandai-je tout de même. Si cela se trouvait, elle prendrait mal le fait que je lui fasse ce genre de cadeaux.
Nous nous approchions de la caisse et il était donc temps de décider.
« Je te paye aussi tes bijoux, ce sera plus simple... » ajoutai-je en sortant ma carte de crédit. C'était une carte russe, à signature et non à code.