Il avait été occupé, dans le chapiteau, à expliquer à deux potentiels acheteurs le message caché dans les photographies qu'il avait décidé d'exposer. Autant dire qu'il avait plus ou moins dû improviser au fur et à mesur, n'ayant pas réellement eu de grande idée novatrice derrière ces photographies qui, au final, étaient simplement des clichés pris librement et par envie. Si l'envie de voir des photos de Samantha Prévost vous prenait un jour par surprise, les albums photos de Cédric Gariépy seraient sans doute l'une des banques les plus riches en tirages d'elle. Souriante, rieuse, renfrognée, concernée, occupée ... À dire vrai, il y avait des photos de Samantha dans n'importe quelle situation imaginable, hormis triste. Pourquoi ? Tout simplement parce que lorsqu'elle était triste, Cédric préférait largement consoler sa belle qu'immortaliser sa douleur. Ce qui était, après tout, un comportement des plus naturels envers les personnes que l'on aime.
Consultant régulièrement sa montre, il ne put s'empêcher de commencer à prendre panique. Il allait finir par être en retard ! Mais il savait autant que le prochain qu'il ne pouvait pas simplement s'éclipser en plein milieu d'une conversation dont il faisait partie ... Ce serait plus que mal vu, et ça lui poserait plus de problèmes qu'il n'était prêt à endosser. Se contentant donc de rester debout à baragouiner tant que les mots lui venaient, il ne put s'empêcher de prier intérieurement que Samantha comprendrait, et ne lui en voudrait pas. Avec un peu de chance, sa prière ne serait pas en vain.
Lorsque finalement, le couple de quarentenaires s'était décidé de partir eux aussi prendre leur pause déjeuner, il ne fallait pas le lui redire à deux fois. Marchant rapidement vers la porte d'entrée (ou dans son cas, la porte de sortie), il accélérait le pas en se rapprochant du lieu de rendez-vous. Et comme convenu, elle était là, à l'attendre, sagement, calmement et avec cet air qui la rendait si mignonne à ses yeux. Ralentissant la cadence, il s'approcha d'elle, la regardant droit dans les yeux, et en profitant pour lui prendre le lourd panier de pique-nique d'entre ses deux mains. Il lui déposa alors un léger baiser sur le front, avant de dire :
- J'espère que tu ne m'as pas attendu longtemps, B. Je t'ai manqué ? À moi, tu m'as manqué.
Un sourire aux lèvres, il la prit par la main, marchant un peu plus loin vers les arbres afin de profiter de l'intimité que ce moment en tête à tête leur offrait le potentiel d'atteindre. Il choisit un endroit bien à l'ombre avant de poser le panier à terre et de se pencher, en sortant une nappe typique à carreaux blancs et rouges ; la nappe des pique-niques par excellence. Se retournant, il lui sourit à nouveau.
- Genre ! T'es pas sérieuse. Dis moi que t'es pas sérieuse !
Évidemment, lui-même n'était pas sérieux. Il était plus qu'enchanté par ce pique-nique presque stéréotypique. Il y avait quelque chose de beau et de pur à l'idée de faire ça "comme dans les films", sur une belle pelouse verte, à quelques mètres d'enfants jouant au ballon. Lui faisant signe de s'asseoir, il attendit que celle-ci soit bien installée avant de se poser à son tour sur l'étendue de tissus. Puis, il porta le panier jusqu'au centre de la nappe, et l'ouvrir, en sortant deux gobelets et une bouteille d'eau.
- Je suppose que t'as soif ? demanda-t-il en décapuchonnant la bouteille.