« Bonjour! Qu’est-ce que je peux vous servir? » Le client en face de moi ne savait pas trop où donner de la tête entre tous les menus qui plombaient au-dessus de moi. « Hum… En fait, j’ne sais pas. T’aurais pas de quoi de sucré pis frette genre un smoothie? » « Bien sûr! Le frapuccino crème et fraise est délicieux! » « Parfait j’vais prendre sa. » Je fis payer le monsieur et lui demanda de passer à ma droite. Je fermai ma caisse et j’enlevai mon tablier. Il devait tourner dans les alentours d’une heure du matin et j’étais crevé. Nous avions eu un samedi soir très encombrant et je laissais le magasin à mon coéquipier qui prenait ma relève. Un douze heures en ligne c’était beaucoup pour une étudiante en médecine comme moi. Mais je me devais de travailler si je voulais survivre les taxes scolaires qui se préparaient. J’allai aux toilettes faire quelques retouches sur mon visage avant de sortir du Starbuck. Un peu de rouge à lèvres, de mascara et du fard à joues et j’étais prêt pour partir. Je sortis rapidement en talon haut du café. J’étais vêtu d’un tailleur blanc avec un long pantalon digne des années 80. Style très épuré.
Les rues à l’extérieur étaient vides. La plupart de la population montréalaise semblait dormir. Je marchais tranquillement écoutant le claquement de mes talons s’évanouir dans l’écho du silence comme si plus rien ne vivait sur la planète sauf moi-même. Puis, alors que je marchais, l’air se réchauffa et le silence disparut. Un bruit lointain de musique électronique résonnait puis j’entendais des pas lourds et maladroits me suivre derrière. Je tournai la tête légèrement en replaçant ma queue de cheval sur mes épaules. J’essayais de ne pas me faire remarquer, mais mes efforts étaient en vin. J’entendais leurs cris s’approcher. « Hey ostie d’chix, viens icitte m’branler. » « Criss de pute c’est quoi ton tarif. » Mon pas se fit de plus en plus vite. Je les sentais s’approcher. Je sentais l’odeur d’alcool envahir mes narines. Puis je me mis à courir. Montréal n’était pas si sur qu’on pouvait le penser. Tout ce que je voulais c’était de trouver un endroit où je serais en sécurité. Ils me suivaient encore, même s’ils étaient maladroits ils étaient plus rapides que moi en talon haut. Puis, je me heurtai contre un torse dur. Déstabiliser, je me fondis en larmes. « Aidez moi, y’a trois dudes qui me courent après! »